Observation des feux canadiens en France – Juin 2025

Article écrit par ACTRIS-FR/IAGOS/ICOS-FR/AERIS

Chaque été, le Canada est confronté à des méga-feux de forêt, mais ils ont débuté particulièrement tôt cette année. Depuis le mois de mai, plus de 3,2 millions d’hectares de forêt ont brûlé, avec 220 incendies encore actifs dans le pays, dont la moitié jugée hors de contrôle. Ces feux se situent notamment dans le centre du pays, en Saskatchewan et au Manitoba. 

Des panaches de fumée chargées en aérosols provenant de ces méga-feux canadiens ont traversé l’Atlantique pour être visibles en Europe et notamment en France depuis début juin, provoquant une dégradation de la qualité de l’air dans plusieurs régions françaises.

Ces panaches peuvent être observés et suivis géographiquement dans les différentes couches atmosphériques grâce à l’action coordonnée des 3 infrastructures de recherche française complémentaires du domaine atmosphérique ACTRIS, ICOS et IAGOS et du pôle de données et services pour l’atmosphère AERIS de l’IR DATA TERRA

Observation du panache par satellite

Le panache de fumée a pu être observé par le satellite géostationnaire METEOSAT-12. Sur l’image satellite datant du 12 juin (figure 1) des filaments gris plus ou moins denses sont distingués traversant la France : ce sont les fumées générées par les incendies au Canada. Du sol, celles-ci donnent au ciel un aspect blanc laiteux. 

Figure 1 : Image du satellite METEOSAT-12, le 10/06/2025 à 7 h UTC, générée par le service de météorologie satellitaire de Météo-France et mise à disposition par le centre de données AERIS/SATMOS. 

La traversée du panache de fumée sur l’Europe peut également être observée  avec l’animation sur plusieurs jours du produit GEORING True Color, combinant les satellites MTG/FCI et GOES 19 à résolution très fine. La vidéo a été réalisée par le centre de données AERIS/ICARE grâce à des données d’EUMETSAT, NOAA, Météo-France/SATMOS. 

Crédits : EUMETSAT, NOAA, Météo-France/SATMOS,AERIS/ICARE

Observation du panache par avion commercial

L’IR IAGOS permet l’observation de la composition atmosphérique à partir d’instruments embarqués sur des avions commerciaux. Un panache provenant des méga-feux canadiens a pu être observé lors d’un vol transatlantique entre Francfort et Orlando avec une augmentation de CO localisée sur l’Atlantique Nord (Figure 2), ce qui correspond au déplacement du panache de fumée canadien.  Après quelque jours, le panache arrive en Europe et il est visible comme anomalie de CO dans les profils à l’aéroport de Francfort (figure 3). 

Figure 2 : Evolution du CO sur le vol transatlantique Francfort-Orlando le 2 juin 2025, sur la trajectoire du vol (à gauche), en fonction du temps (à droite) Les series temporelles montrent les observations IAGOS (en noir) ainsi que les données du modèle opérationnel de CAMS pour l’analyse (rouge) et le forecast 0-24h basé sur une initialisation à 00 UTC avec assimilation (jaune) et sans assimilation (bleu).

Figure 3 : Profil de CO le 9 Juin (à gauche) et d’ozone le 12 Juin (à droite) qui montrent le panache vers 2000m d’altitude à Francfort avec une augmentation d’ozone 4 jours plus tard suite à la production d’ozone par la photochimie.  Comme pour la figure 1, les profils montrent IAGOS (en noir) ainsi que les données du modèle opérationnel de CAMS pour l’analyse (en rouge) et le forecast 0-24h basé sur une initialisation à 00 UTC avec assimilation (en jaune) et sans assimilation (en bleu).

Observations in-situ

Le panache de fumée a également pu être observé depuis le sol par plusieurs stations des infrastructures de recherche ACTRIS et ICOS. 

A l’Observatoire de Haute-Provence (OHP), le lidar à très haute altitude (LTA) a mesuré un panache stratosphérique extrêmement dense, avec une épaisseur optique exceptionnelle (0,1) et un rapport de diffusion très élevé, signe d’une concentration importante de particules de suie. Une anomalie thermique dans le panache indique également une forte teneur en carbone noir.

D’autres stations comme celles du Pic du Midi, de Clermont-Ferrand avec le lidar COPLid, d’AToLL à Villeneuve d’Ascq ou encore des mesures aéroportées au départ d’Orléans, ont permis de suivre l’évolution verticale du panache jusqu’à plus de 13 km d’altitude.

Toutefois ces panaches de particules peuvent impacter les basses couches atmosphériques et la qualité de l’air en surface. En effet, à l’Observatoire atmosphérique du SIRTA, près de Paris, des mesures au sol (à 15 m) montrent une succession de pics de matière organique dans les particules en suspension (figure 3) accentuée  autour du 10 juin et corrélée à un pic de carbone suie. Ce polluant est un résidu de combustion incomplète, émis notamment lors des feux de forêt. Bien qu’une faible signature optique nette ait été identifiée (coefficient d’Angström à 1.2) — probablement en raison du “blanchiment” des aérosols pendant leur transport transatlantique —, la concomitance d’un pic d’acétonitrile (composé organique volatil à longue durée de vie) soutient une origine issue de la combustion de biomasse. L’analyse des rétro-trajectoires associés aux mesures du 10 juin (figure 4) confirme l’origine potentielle outre-atlantique des particules.

Figure 3a : Evolution de la composition chimique de l’aérosol PM1 (Particules en suspension de taille inférieur à 1 µm) et de l’acétonitrile
Figure 4 : Rétrotrajectoires de 10j finissantes au SIRTA autour du 10 juin 2025. (produit par ZeFir, à partir du modèle HYSPLIT)

Par ailleurs, la plupart des stations de surface d’ICOS-FR notent sur la même période une augmentation du CO, gaz traceur des combustions, avec des valeurs maximales observées le 10 juin, qui indiquent une augmentation de 50 à 200 ppb par rapport aux concentrations mesurées avant cet épisode des feux canadiens (figure 5). C’est typiquement l’augmentation de concentrations que l’on observe également dans les stations rurales européennes en réponse aux pics de pollutions hivernaux. Il est intéressant de noter que les concentrations de CO2 en surface présentent un minimum le 10 juin, concomitant au maximum de CO. A cette époque de l’année les écosystèmes d’Amérique du Nord survolés par les masses d’air que nous retrouvons en France le 10 juin représentent des zones d’absorption importante de CO2 du fait de la photosynthèse printanière. Les flux de CO2 absorbés par la photosynthèse surpassent donc les émissions de CO2 par les feux canadiens, pour les zones survolées par les masses d’air de cet épisode. Les émissions de CO ne sont de leur côté pas compensées par un mécanisme d’absorption par les écosystèmes continentaux.    

Figure 5 : Evolution des concentrations de surface (gauche) et en colonnes totales (droite) en CO et CO2 mesurées sur plusieurs sites en France et un site au Maroc du réseau ICOS-France

Les analyses se poursuivent et seront communiquées prochainement. 

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